parution poche
C'est un merveilleux panel d'émotions qui déferle dans l'histoire intimiste de cette famille américaine des années soixante.
A Camas, État de Washington grandissent les frères K, entourés d'un père féru de base ball et d'une mère adventiste fanatique. Il y a Everett l'éternel révolté, Peter et sa voracité intellectuelle, passionné de lectures païennes, l'innocent Irwin, champion des versets à apprendre. Chacun tente d'affirmer sa soif de liberté, d'idéalisme, d'indépendance et poursuit sa marche avec détermination laissant leur plus jeune frère, le narrateur trop aimant, assister, impuissant, aux multiples altercations familiales.
Les frères K est un monument littéraire absolument inoubliable, drôle et si profond à la fois; le vibrant récit d'une fratrie dans laquelle l'amour et l'attachement surmontent toutes les difficultés et anéantissent les désaccords.
Un hymne à la famille bouleversant de vérité et d'une infinie tendresse qui imprègne le cœur d'une humanité débordante.
HOMO NON BASE-BALLIENS, NE SURTOUT PAS S'ABSTENIR!
On a attendu avec une telle impatience la traduction du dernier opus de la trilogie autobiographique d'Earl Thompson (1931-1978) qu'on aborde cette œuvre testamentaire avec déjà une pointe de nostalgie.
Après une enfance passée dans la crasse et la misère de la grande dépression et une adolescence marquée par la violence de la guerre, la soif de liberté et d'indépendance de notre héros est intacte. De femmes en femmes et de petits boulots en petits boulots, c'est à New York qu'il réalisera que c'est par l'écriture qu'il connaitra la rédemption.
Alors tous ceux qui ont la chance d'avoir déjà lu "un jardin de sable" et Tattoo", comment est ce dernier volet me demanderont ils? Eh bah extraordinaire forcément, c'était inévitable, la même fureur de vivre, la même inimitable émotion, la même foudroyante authenticité..., c 'est une fougue sublime. Mais c'est le dernier, alors à savourer sans modération.
Le voilà enfin le premier roman coup de poing de la rentrée littéraire d'hiver, côté américain! Quelle claque, c'est tout simplement phénoménal, un mélange suffoquant de désespérance et de tendresse extrême; un roman à la tension insoutenable que l'on sert sur son cœur une fois refermé.
"Abondance" décrit la descente aux enfers d'un père et son fils réduits à une précarité effroyable, abandonnés dans le fossé d'un système consumériste d'une violence implacable.
L'action se déroule sur 24 heures. C'est l'anniversaire de Junior, le fils d'Henry et ,pour ses 8 ans, son père veut sortir "le grand jeu": repas chez MacDo et nuit dans un motel miteux, histoire de s'extraire un soir du pick-up cabossé qui leur sert d'abri depuis six mois. Le récit de cette journée exceptionnelle est entrecoupé de chapitres qui racontent les raisons qui les ont conduits à cette situation accablante. Cette construction virtuose épouse la spirale infernale qui est sur le point de les engloutir et confère au roman un rythme peu à peu irrespirable.
Dans une langue inimitable, tantôt réaliste tantôt lyrique, précise voire clinique mais toujours poétique, Jakob Guanzon fait le portrait implacable des laissés-pour-compte de l'Amérique.
C'est tellement puissant!
Une nouvelle plume à découvrir de toute urgence.
Dépaysement garanti avec le fantastique second roman d'Eduardo Fernando "Varela" ! Après la traversée des plaines patagoniennes, l'argentin nous embarque à cinq mille mètres d'altitude dans la cordillère des Andes, au col de Roca Pelada, lieu fictif frontalier entre deux pays d'Amérique du Sud. C'est sur ces terres hostiles à l'aridité extrême et qui surplombent le monde que vivent tant bien que mal les deux détachements de soldats censés surveiller la frontière. Au risque à tout moment de se prendre un débris de météorite sur la tête, ils scrutent l'horizon inlassablement avec pour seul contact une radio défectueuse et un train de ravitaillement qui n'arrive jamais. Il ne se passe rien et il n'y a rien à faire dans ces lieux désolés, le temps s'est arrêté il y a des lustres; pourtant l'arrivée inopinée d'une femme au commandement va bouleverser l'austère quotidien des troupes et faire perdre le contrôle des émotions. C'est complètement décalé, drôle et étourdissant. Cette littérature qui vient des confins du monde est bien sûr fascinante par son cadre inhospitalier exceptionnel mais aussi par sa merveilleuse leçon d'humanité. On a une tendresse toute particulière pour cet auteur si original.
Après le magnifique "Patria", l'espagnol Aramburu est au sommet de son art. Découvrez ces confessions désopilantes d'un professeur de philosophie madrilène qui a décidé de mettre fin à ses jours dans précisément une année. Pas de dépression ou assimilé, Toni considère en fait qu'il a suffisamment profité de la vie qu'il juge comme une invention perverse et mal conçue, et finalement assez ennuyeuse. Ce qu'il lui reste à vivre est un supplément inutile, un fardeau; il faut savoir quitter dignement les lieux quand il est temps. En compagnie d'un vieil ami éclopé, d'une ex sans grâce et d'une poupée en latex, il va coucher sur le papier les impressions furtives que lui a laissées une vie lourde d'ennui et de sales moments. Tout le monde y passe: son ex femme qu'il déteste, son frère qui l'exaspère,son fils inintéressant, ses parents, sa fidèle chienne Pepa. Pas de regret encore moins de repentance, juste la reconnaissance d'un manque de calcul, d'erreurs, de failles. Ce quatrième roman traduit en français est un régal; c'est drôle, intelligent, d'une rare vivacité, une saveur intimiste réjouissante.
Un très grand écrivain.