Prescripteurs de saines addictions

Lara C.

Lectrice compulsive avec toujours trois ou quatre livres sous la main, voire cinq ou six et peut-être même plus.
Je ne cache pas mon inclinaison pour la littérature américaine, la littérature japonaise, les romans noirs ou à l'inverse complètement décalés.
Plus largement j'ai une affection toute particulière pour les histoires rugueuses mais à la plume déliée.

Conseillé par (Librairie L'Armitière)
30 juillet 2020

Ces "Nouvelles en trois lignes", qui relatent des faits divers rédigés pour le journal local entre février et novembre 1906, sont un bijou de rédaction !

Leur brièveté et le style de Félix Fénéon les nimbent d'une certaine poésie malgré la gravité des faits relatés.

S'il faut replacer certaines idées dans le contexte de leur époque, d'autres faits divers - la plupart - pourraient être actuels. Comme quoi : ce n'était pas mieux avant. Querelles amoureuses ou politiques, dissensions autour de la séparation de l'Église et de l'État, grèves,...Tout un pan historique se dessine sous nos yeux.

Alors oui, c'est sombre; oui, c'est cynique; mais quel plaisir à la lecture grâce à la plume de l'auteur !

Éditions de L'Olivier

13,00
Conseillé par (Librairie L'Armitière)
30 juillet 2020

Attention, roman à deux voix politiquement incorrect qui vient interroger ce qui est inacceptable et juridiquement répréhensible, et ce qui appartient à la vindicte populaire au prix d'un lynchage médiatique et professionnel d'une personne.

À l'heure des hashtags "me too" et "balance ton porc", Qin, qui travaille pour une boîte d'éditions new-yorkaise est licencié et poursuivi en justice pour conduite inappropriée dans le cadre si travail : il harcèlerait sexuellement ses collègues féminines.

Disons-le tout de suite : le personne de Qin (m') est répugnant et plus d'une fois le lecteur s'interroge sur sa conduite. Paradoxalement, et c'est la force du roman, l'autre nous montre les zones de gris dans le comportement de Qin, et surtout dans celui de ses détractrices. Un chapitre est particulièrement, et si l'on ne peut que prendre en pitié paradoxalement cet homme. Les chapitres rédigés du point de vue de Margot, sa meilleure amie et seule personne qui soit publiquement pour sa défense sont à ce titre très éclairants sur l'ambivalence de chaque personnages.

À découvrir.

Conseillé par (Librairie L'Armitière)
30 juillet 2020

À la fois tragédie sociale et roman noir en trois actes, ce roman protéiforme suit trois époques de la vie d'un narrateur anonyme.

De galère en galère, de drames en drames, on ne sait lesquels sont les plus abattus : ceux qui restent, ou ceux qui décèdent mystérieusement autour du personnage principal. Et d'ailleurs, quand lui disparaît, qu'en est-il ?

D'une plume affûtée, ce premier roman de Noëlle Renaude dépeint le quotidien morose voire sordide d'une famille sur le fil. Comment se hisser quand tout nous rappelle que l'on vient d'en bas ? Comment s'en sortir quand on semble condamner d'avance ? Pour qui, la rédemption ?

J'ai aimé autant le fond, le propos, mais aussi les personnages dont certains gagnent en épaisseur au fil des pages.

En somme, j'ai dévoré ce roman !

18,00
Conseillé par (Librairie L'Armitière)
27 juillet 2020

Ne vous laissez pas avoir par le ton ingénu et quasi espiègle de ce premier roman à quatre mains. Ici, on est dans le dur. Alabama, 1963. A l'heure où les Etats-Unis sont encore sous le joug de la ségrégation et que s'amorcent de multiples tournants sur la question de l'émancipation, à l'heure où le Klu Klux Klan continue d'imposer son régime de terreur dans certains Etats, s'amorce une enquête à Birmingham.

Une jeune fille, dénudée, est morte. Problème ? Elle est Noire. C'est pourquoi les autorités ne considéreront pas son cas dans un premier temps. L'enquête sera confiée par ses parents à Bud Larkin, l'incarnation stéréotypée mais toutefois attachante de l'ancien flic à la dérive, qui s'est reconverti malgré lui en détective privé. Suite à un malentendu, il va rencontrer Adela Cobb, une jeune veuve qui travaille dans les quartiers Blancs pour nourrir sa famille.

Passez votre chemin si vous cherchez une enquête à la sauce contemporaine, c'est-à-dire digne de films à grand spectacle. Ici, l'enquête est menée par des bras cassés, tant parce que la police ne juge pas celle-ci prioritaire, que parce que le détective privé est un alcoolique notoire et que sa co-enquêtrice de fait est connue pour être la bonne des riches quartiers Blancs. C'est ce côté "à l'ancienne", qui m'a séduite, outre la plume enlevée des deux auteurs.

Alabama, 1963, c'est aussi toute une galerie de personnages secondaires, qui tiennent pourtant une véritable place dans l'histoire. Gloria, Renée, Lazarus, Walt, Lorraine,...On s'y attache, on en déteste certains, on s'émeut face à d'autres. Le duo improbable formé par Adela et Larkin fonctionne à merveille. A travers lui, se font de multiples émancipations : celle de ses propres préjugés, celle de sa place dans la société, celle de sa place en tant que femme, celle de sa propre histoire. C'est une Amérique qui progresse, c'est l'espoir d'un futur meilleur que l'on lit au travers ces deux personnages.

En 384 pages et au prétexte de cette enquête policière est brossé le portrait d'une Amérique en mouvement, d'une Amérique qui frémit, d'une Amérique du changement. En une année, nous suivons via la petite histoire de chaque personnage, une partie de la Grande Histoire des USA. A lire absolument !

Le Cherche Midi

21,00
Conseillé par (Librairie L'Armitière)
7 avril 2020

Ce roman, dont le sujet est malheureusement toujours d'actualité, est traité ici sous l'angle d'une professeure d'anglais licenciée quelques semaines avant une tuerie de masse menée dans son lycée.

Un premier temps soupçonnée, jetée en pâture aux médias, traumatisée par cet événement au cours duquel elle était pourtant absente; on la suit pendant les mois qui succèdent au carnage, dans sa lente plongée dans la dépression et ses tentatives pour en sortir.

Cynique, implacable, et pourtant quelque part jubilatoire et foutrement bien écrit, "Ce qui noue tue" montre combien le culte de la sécurité peut faire sombrer tant l'individu que la société, jusqu'à l'absurde.

Il serait toutefois réducteur de s'arrêter sur la question des armes à feu au travers ce roman. Celui-ci, sous couvert des nombreux souvenirs qui émaillent le récit, relate également la condition de la femme, du traitement de l'information par les médias et les politiques, mais aussi de la famille, du rapport à soi, et sa propre évolution. Cette alternance entre le macro (la société) et le micro (soi) donne une autre dimension au récit.

J'ai trouvé que le personnage d'Anna Crawford était particulièrement riche et fouillé, ce qui participe également à la force du roman.

Très belle découverte, pour ce premier roman.