Prescripteurs de saines addictions

Les œuvres de Jean D'Ormesson à La Pléiade

Le 17 avril 2015, Jean d'Ormesson entre à La Pléiade. Cette prestigieuse collection a été créée en 1931 par un éditeur indépendant, Jacques Schiffrin. Puis, elle a connu une véritable notoriété à partir de 1933 grâce aux éditions Gallimard. La Pléiade a pour objectif de regrouper les écrivains français et mondiaux les plus talentueux dans des ouvrages travaillés d'une manière unique : un petit format avec du papier bible et une couverture en cuir souple. Le plus souvent les écrivains qui ont l'honneur d'être publiés dans la Bibliothèque de la Pléiade ne le sont pas de leur vivant, contrairement à Jean d'Ormesson. Aujourd'hui, être publié dans la collection de la Pléiade est pour un auteur une consécration et l'aboutissement de son travail.
Le recueil de Jean d'Ormesson réunit un essai, et trois romans historiques dans une édition augmentée de notes et de documents. Les titres choisis sont : Au revoir et merci, La Gloire de l'Empire (Grand Prix du roman de l'Académie française), Au plaisir de Dieu, Histoire du Juif errant.

72,50

Comme on lui demandait un jour s’il n’avait pas été tenté de varier son style, Jean d’Ormesson répondit qu’il était au contraire heureux d’avoir pu rester identique à lui-même. «C’est pour cela, précisait-il, que vous retrouverez, par clin d’œil et comme une marque de fabrique, dans chacun de mes livres un passage d’un livre précédent.» Le lecteur découvrira ces discrets rappels dans les quatre ouvrages ici réunis et dont – c’est la première vertu d’un tel recueil – l’unité saute aux yeux : la préoccupation essentielle de l’auteur et de ses personnages, le trait commun à toutes les histoires auxquelles ceux-ci donnent vie (récit d’une jeunesse, histoire d’un Empire, histoire d’une famille, histoire sans fin des pérégrinations du Juif errant), c’est le temps. Le temps qui dure, le temps qui passe, celui contre lequel on remporte parfois des victoires plus ou moins éphémères : «Il n’y a qu’une chose sous le soleil qui mette un terme, pour un temps, à l’écoulement perpétuel : c’est l’amour.» Entré en littérature pour des raisons (selon lui) «douteuses», Jean d’Ormesson a construit une œuvre sur le «mélange du temps historique et du temps individuel», en héritier de Chateaubriand («Chaque âge est un fleuve qui nous entraîne…») mais aussi, peut-être, de Borges : «La croyance générale a décidé que le fleuve des heures – le temps – s’écoulait vers l’avenir. Imaginer un sens contraire n’est pas moins raisonnable et en tout cas plus poétique.» Établi en lien avec l’auteur, préfacé par Marc Fumaroli, ce volume propose en outre, grâce à Bernard Degout, des notices retraçant la «carrière» des ouvrages inscrits à son sommaire, et de nombreux documents aujourd’hui inaccessibles, comme le magnifique article par lequel Jacques Le Goff salua en 1971 La Gloire de l’Empire, «œuvre pionnière» marquant la naissance de «l'histoire-fiction».