Prescripteurs de saines addictions

Autoportrait en chevreuil

Victor Pouchet

Finitude

  • Conseillé par (Librairie L'Armitière)
    20 août 2020

    Construit comme un triptyque, "Autoportrait en chevreuil" fait partie de ces romans sensibles et à la plume juste, dont on aimerait suspendre la lecture pour mieux en apprécier la forme comme le fond à chaque page tournée.

    Ce n'est pas tant Elias dont le portrait est dressé que celui de son père à travers lui. Ce père parlons-en : rebouteux-paradoxologue-magnétiseur-coupeur de feu, enfin, un bonhomme un étrange obsédé par les ondes et aux rituels douteux qui auront marqués sa famille.

    Le lecteur lui-même aura peur d'effaroucher Elias, cet homme-chevreuil, aux allures dégingandées, qui semble tant en retrait de lui-même et des autres; et qu'Avril, sa compagne, surnomme elle-même "Bancal Bibli".

    Ces trois voix qui se suivent, celle d'Elias tout d'abord, puis d'Avril et du père d'Elias permettront d'appréhender Elias et d'en saisir l'essence ainsi que les traumas au moment où sa vie prend un nouveau tournant.

    Même dans les aspects les plus tristes ou durs de ce roman, il émane une forme de douceur et d'empathie pour les personnages d'Elias et de son père, qui sont comme suspendus dans une temporalité qui leur appartient après l'éloignement du fils.

    On ressort de ce roman comme après une parenthèse au cours de laquelle nous aurions saisi - l'espace d'un instant - cette vision fugace d'un chevreuil dans un bois, avec tout ce que comporte de sauvage, de puissant et d'effarouché cet animal.


  • Conseillé par
    18 décembre 2020

    Vie moderne

    Quelle belle première de couverture qui me rappelle les tapisseries chez ma grand-mère (même si je n’y ai jamais vu de chevreuil).

    J’ai aimé qu’il soit question d’un narrateur dont le père est « maboul » : c’est un guérisseur qui coupe le feu, et traque les ondes scalaires dans les bois.

    La mère du jeune homme est morte quand il était petit, et le père se remarie avec une boulangère (enfin, la serveuse de la boulangerie). Le père est persuadé que sa femme est enceinte d’une fille, et le bébé sera prénommé Ann, comme prévu.

    Si l’adolescent est d’abord proche de ce demi-frère, il le voit se développer dangereusement.

    Jusqu’au grand accident.

    J’ai aimé la seconde partie, dans laquelle une jeune fille tombe amoureuse du narrateur, qu’elle trouve bancal.

    J’ai aimé le père qui éduque comme il peut ses deux enfants, avec des méthodes pas très orthodoxes parfois.

    Un jeune homme pas si lisse qu’il n’y paraît.

    Quelques citations :

    J’ai appris qu’il existe un mode spécifique en hébreu : l’infinitif absolu. (…) certitude ancrée dans chaque mot, dans chaque proposition.

    Il existe en japonais le mode du tentatif. Si j’ai bien compris, c’est le mode de la suspension. Quand on parle au tentatif, on maintient les choses dans une forme d’incertitude existentielle. (…) A u tentatif, le fait exprimé peut à la fois être et ne pas être, les deux sont possibles et se superposent. (p.23)

    Je crois que nous avons un âge qui nous définit le plus profondément, notre camp de base existentiel, le carrefour auquel on revient sans cesse. (p.87)

    L’image que je retiendrai :

    Celle du chevreuil tombé dans la piscine municipale.

    https://alexmotamots.fr/autoportrait-en-chevreuil-victor-pouchet/