Faire la paix dans les régions du monde

Ouest France, le 20 décembre 2008

« Êtres humains, être humain ensemble »

En cette période de l'année, nous nous trouvons tiraillés entre la fête et la crise. La crise nous incite à la prudence. La fête nous pousse à la dépense. Et va pour la dépense aujourd'hui, demain il sera temps de songer aux difficultés qui ne manqueront pas. Et puis, si nous achetons, c'est que nous consommons ; or, la consommation nous est recommandée pour faire marcher les affaires et, à la fin, éviter les pertes d'emploi.

Cependant, nous ne pourrons nous étourdir bien longtemps. La dure réalité va se rappeler à nous sous plusieurs formes : fragilité des banlieues, multiplication des plans sociaux, réforme de l'éducation, fronde des lycéens, avec, au-delà de nos proximités, la pauvreté dans le monde. Celle-ci s'accroît, chaque année, malgré la décision prise, en 2000, par les chefs d'État et les gouvernements de réduire de moitié la pauvreté, d'ici à 2015. Malheureusement, « à quelques années de l'échéance, une majorité de pays devrait échouer... Le monde entier court à l'échec. Nous devons chercher à comprendre pourquoi », écrit Jacques Ténier dans son livre Faire la paix dans les régions du monde (1).

Aux yeux de l'auteur, le capital, dans sa course débridée, a oublié le financement de la solidarité. Notre désir d'accumuler richesses et biens de toutes sortes évacue finalement l'attention à l'autre... « Cette explosion des inégalités ne peut pas être l'avenir du monde. » Car, ainsi, se trouvent menacées la vie des êtres humains et la paix.

Européaniserles corps enseignants

Pour la stabilité de la société, « une action collective au service du bien commun est nécessaire », estime Jacques Ténier. Il ajoute : « L'enrichissement débridé demande une correction publique. »

Nous y voilà, avec la crise qui atteint notre système. Cependant, les pays les plus pauvres, déjà plongés dans la difficulté, risquent fort de l'être davantage encore. Des spécialistes du développement redoutent, en effet, que des États riches diminuent leur aide et, si ce n'est pas le cas, que le choc de la crise finisse par annuler l'effet de ces aides. Ce serait catastrophique pour les pays pauvres, mais aussi pour les pays riches, car, entre autres conséquences, les migrations se trouveraient intensifiées.

Il devient donc urgent de sortir de nos particularismes qui se font égoïsmes. « La dénationalisation des esprits » peut nous rendre moins solidaires, mais elle peut aussi nous ouvrir, en même temps, aux autres cultures. Pour développer cette nécessaire ouverture, il faut généraliser les formations à l'étranger, à commencer par l'Europe. « Nous n'avons pas su éveiller la conscience européenne par le biais de l'éducation et nous en payons le prix aujourd'hui. L'éducation est cependant la clé de la formation d'un esprit commun et de l'élargissement des consciences à la dimension d'un continent. »

Aussi Jacques Ténier lance une idée : « Les corps enseignants pourraient être européanisés à partir de l'enseignement des langues, puis par diffusion dans les autres disciplines, tout en promouvant le caractère public et laïc de l'éducation européenne. Les départs à la retraite pourraient être mis à profit pour penser le mouvement dans les vingt prochaines années. Les écoles sont la matrice des futures générations d'Européens... C'est peu dire qu'une action d'ampleur est nécessaire », car il nous faudra bien aller de l'Europe au monde si l'on veut réellement un jour « être humain ensemble ».

(1) Éditions L'Harmattan.

François Régis Hutin