Prescripteurs de saines addictions

Villeret, du rire aux larmes
EAN13
9782809800036
ISBN
978-2-8098-0003-6
Éditeur
Archipel
Date de publication
Collection
Roman français
Nombre de pages
307
Dimensions
22,5 x 14 cm
Poids
420 g
Langue
français
Code dewey
920

Villeret, du rire aux larmes

Archipel

Roman français

Trouvez les offres des librairies les plus proches :
ou
entrez le nom de votre ville

Offres

www.editionsarchipel.com

Si vous souhaitez recevoir notre catalogue et être tenu au courant de nos publications, envoyez vos nom et adresse, en citant ce livre, aux Éditions de l'Archipel,

34, rue des Bourdonnais 75001 Paris.
Et, pour le Canada, à
Édipresse Inc., 945, avenue Beaumont,
Montréal, Québec, H3N 1W3.

eISBN 978-2-8098-1075-2

Copyright © L'Archipel, 2008.

À Serge Rousseau, découvreur de talents
et de Jacques Villeret en particulier

« Je me méfie des gens qui ne sont pas timides,
ce n'est pas normal. »

Jacques Villeret

Avant-propos

« Son sommeil était de beaucoup ce qu'elle
avait de plus profond. »

Sacha Guitry (1885-1957)

« À chaque minute, il naît une poire. »

Barnum (Mémoires, 1855)

« Les femmes font comme gueux,
elles tendent toujours leur escuelle. »

Béroalde de Verville (« Coq à l'âne », 1612)

Jacques Villeret m'avait appris que Raoul Walsh (Aventures en Birmanie) fit déposer une douzaine de bouteilles de whisky, et du bon, dans le cercueil d'Errol Flynn. Il avait ajouté, le regard baissé sur ses chaussures: « Je sais que tu le ferais pour moi, n'est-ce pas ? » Je croyais qu'il plaisantait. Non, il était sérieux.

Il aimait Errol Flynn et les alcools de grain d'Irlande.

Comme il vénérait, aussi, Harry Baur (Un Carnet de bal, Le Golem, Les Misérables) ; un soir il m'invita à revoir Gentleman Jim en buvant, m'a-t-il précisé, à ras Baur !

En semaine, fatigué des tournages et des chasseurs d'impôts, il y avait parfois du Vermot, en lui... Je plaisante, bien sûr.

Le dimanche, en revanche, et les jours sans alcool, le Villeret respirait à la hauteur des maîtres Renard, Via-latte, Allais, et consorts.

Comme Errol Flynn, il aimait le noble art. Il mit même les gants et s'exerça au saut à la corde sans rechigner.

Dès le tournage d'Édith et Marcel, où Claude Lelouch m'avait gentiment engagé pour enquêter auprès des survivants de la bande à la Môme et du « Bombardier marocain », Jacques m'avait laissé entendre que nous pourrions peut-être, un jour, écrire ensemble. D'après lui j'avais « une tronche à capter les souvenirs et à présenter bien, avait-il ajouté, pour passer à la caisse chercher les picaillons ».

Je le sentais, parfois, comme pressé de se confier, angoissé même, depuis que son compte en banque avait fondu et coulé comme Titanic sur iceberg.

« Patrick Dewaere, tu vois, me disait-il, n'a pas eu le temps de parler et c'est bien dommage. On aurait peut-être su les raisons de son immense désespoir... C'est fou, mais on a dit de lui, comme on a dit de moi, qu'on avait les regards les plus tristounets du cinéma français... Sur le tournage du Lelouch, je m'étais promis de le faire sourire, de le détendre, de le consoler. C'est trop con ! »

Un an avant le tournage d'Édith et Marcel, nous nous étions retrouvés à Montréal, pour un festival. Tout un week-end, Jacques m'obligea à le suivre à des réunions de boxe. Deux jours de combats ininterrompus que Jacques appréciait au plus haut point.

C'est d'ailleurs en revenant d'une de ces manifestations que Claude Lelouch nous parla, pour la première fois, de son projet de raconter « l'hymne à l'amour » de la petite chanteuse de Belleville et du vainqueur de Tony Zale.

Jacques connaissait tout du Noble Art, les knock-out et les knock-down les plus spectaculaires des Dempsey, Carpentier, Robinson, Rocky Graziano, Joe Louis, Monzon. Il avait aussi une pléiade de photos d'Errol Flynn en tenue de combat.

De retour à Paris, il m'avait entraîné dans le restaurant d'un illustre adversaire de Marcel Cerdan, un certain Jean Walzack qui tenait un bistrot à deux pas des anciens abattoirs de Vaugirard. Sur les murs, derrière le zinc, étaient encore épinglés des tas de clichés jaunis des combats de Cerdan, Robinson, Famechon et même de Jean Walzack opposé à Ray Sugar lui-même...

Précisons, tout de suite, que le gentil Éclaireur de Loches n'avait pas non plus le poing dans sa poche quand il s'agissait de mettre en pratique uppercuts et crochets divers. Il aimait la baston, les séances de rébecca. Il avait du cran.

Hélas, le Jacques ne boxait jamais dans sa propre catégorie. Il fallait toujours qu'il défie la division supérieure. Lui, le welter, aimait s'attaquer aux poids lourds, qui le dépassaient d'au moins deux têtes. Et, la plupart du temps, patatras, il se retrouvait groggy, les bras en croix sur le sol.

Le lendemain, ne gardant de la rixe qu'un souvenir des plus vague, il admettait parfois s'être fourvoyé dans un combat inégal.

« Je sais, je sais, disait-il, je ne devrais pas. Le vin rend parfois mauvais. Et dans ces cas le cerveau est plutôt farci de cervelas que de cervelle. C'est en tout cas Jules Renard qui le dit. »

Jacques, lui, n'avait jamais participé, comme son idole Errol Flynn, aux Jeux olympiques. Il ne poss édait d'ailleurs ni son punch ni sa dextérité à l'épée. Pourtant, il ne manquait pas de qualités dans d'autres domaines comme le tennis, le football et le basket.

Au moment de Roland Garros, se déroule en parall èle le tournoi des personnalités. On pouvait y surprendre, d'une année sur l'autre, les commentaires des futurs adversaires de Villeret.

Je ne vais avoir aucun mal à franchir ce tour, disait un tennisman du dimanche, un acteur de bas complément, je tombe, en effet, contre le petit gros...

Le public, ravi, découvrait dans la foulée un Villeret irrésistible, dont les coups, parfois tordus, ne manquaient pas de force ni de panache. Ses adversaires les mieux cotés mordaient, bien souvent, la terre battue.

Au football, nous avons pendant des années joué ensemble dans une équipe que j'avais baptisée « Cinéquanon ». Jacques, encore une fois, en épata plus d'un avec son allure de « major galopant », du style Ferenc Puskas. Incontestablement, il savait manier le ballon et distiller des passes au cordeau aux Dussolier, Balmer, Spiesser, Perrin et autres.

Combien de fois ne m'a-t-il pas répété qu'un des plus beaux souvenirs de sa vie avait été le jour où Cinequanon, grâce à l'amitié de Michel Hidalgo, avait pu rencontrer, balle au pied, la grande équipe de France, celle de Michel Platini, Giresse et Rocheteau... Nous partions avec dix buts d'avance et avons quitté le terrain sur une défaite de onze à dix. Le bonheur était dans le pré ; Caroline de Monaco avait même donné le coup d'envoi. Jacques cachait précieusement dans son portefeuille non pas la photo de la princesse, mais celle de Platini posant à ses côtés.

Le public aimait le Villeret sportif. Un soir, pour un match de gala à Bordeaux, nous rencontrions l'équipe de France de basket-ball des anciens internationaux. Nous n'en menions pas large. À un moment, j'ai cru bon d'effectuer un changement de joueur, laissant souffler quelque peu le Villeret, sur le banc. Le public le réclama à cor et à cris. Il eut même droit à une standing ovation alors que nous avions perdu de quarante points !

Inutile de vous préciser que les troisièmes mi-temps, surtout dans des contrées de vignobles, exigeaient d'autres statures et gabarits, athlétiques, sinon olympiques.

Il arrivait, très souvent à Jacques de nous quitter avant que plus soif. On le voyait disparaître, glissant sous la table et commençant sa nuit. Impossible dès lors de le remettre sur pied.

Au Sherwood, sa cantine favorite, rue Daunou à Paris (Sherwood comme la forêt du même nom de Robin des Bois-Eroll Flynn), Georges, le patron, se gardait bien de le sortir de dessous la table. Au matin, Jacques, se réveillait, frais comme une tulipe, et se précipitait à l'ouverture du bureau de son agent et ami Serge Rousseau, histoire de lui narrer ses frasques de la veille...

Les rêves de Jacquot le Tourangeau n'assumaient pas tous la forme de ballons ronds, de raquettes de tennis ou de gants de boxe. Non seulement il connaissait les champions du ring, des cendrées et des courts, mais il était incollable au jeu, entre autres, du « Quitte ou Double ». En cette matière comme en toutes, c'était une encyclopédie. Il savait tout sur tout. Jusqu'au latin. Il était par exemple imbattable sur les grands classiques : Molière, Racine, Corneille, Musset, Diderot... Vous lui lanciez le début d'un vers, d'une réplique et il déclamait, non sans ironie parfois, tout le ...
S'identifier pour envoyer des commentaires.