Prescripteurs de saines addictions

Au milieu du monde, Plateforme, roman

Michel Houellebecq

Flammarion

  • Conseillé par (Librairie Dialogues)
    19 avril 2005

    Qui sommes-nous ? Les êtres bons, généreux, solidaires, travailleurs, civilisateurs que tous ceux qui recherchent nos voix – publicitaires, hommes politiques -, flatteurs, dépeignent à longueurs de campagnes, électorales ou de pub ? ou sommes nous plutôt les consommateurs froids, égoïstes, calculateurs, indifférents et jouisseurs, exploiteurs d'une marchandise que sont les terres et les hommes d'un tiers monde peu onéreux ? Pas méchants au demeurant, pas volontairement cruels.


    "Qui veut faire l'ange fait la bête" croyait Pascal. L'image que Michel Houellebecq nous renvoie de nous touche, certes un peu à la caricature. C'est ce qui rend son portrait des touristes occidentaux que nous sommes aussi efficace que l'étaient les portraits que Daumier peignait des notaires, juges ou banquiers du XIXème.
    On fait reproche à Houellebecq d'être un provocateur. C'est un peintre de mœurs. Un observateur fin des comportements de l'homme occidental. Il ne le dépeint pas tel que les rédempteurs voudraient le montrer mais tel qu'il le voit, avec ombres, et lumières aussi, même s'il y a plus d'ombre que de lumière. Elle n'est pas antipathique, son héroïne bretonne. (C'est sans doute ce qui la sauvera à la fin). Il n'est pas totalement noir, son fonctionnaire du ministère de la culture, quand ses désirs sont assouvis. Seulement veule, apathique, égoïste. Tous deux nous ressemblent. Nous sommes tantôt l'un, tantôt l'autre. Dromomaniaques, promeneurs argentés, nous nous évadons parfois hors des remparts d'un occident doré où nous avons la chance de naître mais sans intention de voir le monde ; seulement dans le but d'en profiter et d'y perdre notre ennui. Terrible. Cruel. Mais assez vrai. Houellebecq sait construire des histoires efficaces. Il a du style. C'est un grand romancier.