Prescripteurs de saines addictions

Les oubliés de la lande

Fabienne Juhel

Le Rouergue

  • 20 septembre 2012

    Un bilan en demi-teinte

    Vivre dans un « No death’s land », dans un pays isolé que la mort aurait oublié, un village dans lequel le temps aussi s’est arrêté, comme suspendu entre vie et mort… Vivre sans angoisse de la mort, libre… Mais peut-on être libres, êtres de chair et de sang que nous sommes, hommes et femmes de mémoire qui portons à chaque instant les stigmates du passé ? Les pistes de réflexion sont foisonnantes dans ce roman au thème fantastique discret, placé dans une réalité cohérente. En voulant écarter la mort, les personnages du roman en font finalement le thème principal de leur vie…

    Fabienne Juhel est une conteuse hors pair, hantée par les légendes bretonnes, elle ancre ses romans dans des paysages de landes désertés, baignés par des lueurs surnaturelles inquiétantes et fascinantes à la fois créant ainsi des mondes interlopes.

    « Si quelqu'un avait aperçu la silhouette du voyageur griffant le ciel bleu depuis la lande rousse, il aurait pensé à un sarment tout sec ou aux racines d'une souche fossilisée interrogeant le ciel à l'envers. Peut-être aussi à un épouvantail enlevé par les vents d'hiver et planté là, par hasard, dans cette terre aride et sèche qui n'enfantait plus que des cailloux. » (début)

    Puis, tout à coup le monde interlope devient réellement glauque avec la description d’une scène particulièrement horrible. A tel point que j’en ai ressenti physiquement le choc, la révélation finale m’a donné des réels hauts de cœur. Je lis beaucoup de romans policiers et j’ai rarement autant été secouée…

    De fait un bilan en demi-teinte…


  • Conseillé par
    8 septembre 2012

    Dans les landes bretonnes, ils sont une petite trentaine à vivre dans un village qui ne figure sur aucune carte. Un lieu où l’on ne meurt pas et où l’on ne vieillit pas. Mais quand un homme est retrouvé mort aux abords du No Death's Land, les habitants voient rejaillir leurs craintes les plus profondes.


    Tous les habitants du village y sont arrivés pour abolir le temps ou pour des raisons moins avouables. Un village coupé du temps vivant en autarcie totale soumis à des règles très strictes établies par Jason le maire. L’immortalité requiert des sacrifices et certains des habitants au bout de quelques années décident d’affronter à nouveau le monde et donc de revenir mortel. Tom est le seul enfant du village, il vit avec Basile et Emma ses parents adoptifs. Agé de huit ans pour le restant de ses jours, c’est lui qui a découvert le cadavre. Une question se pose : comment cet homme est-il arrivé aux frontières du village ? Ce cadavre ressuscite la peur de la mort, fait renaître chez certains des habitants le souvenir des rites funéraires. Tom lui enquête sur des faits étranges dont il n’a dit mot à personne. Il a trouvé dans le périmètre du village des petits animaux crucifiés. Ce qui veut dire que quelqu’un des leurs est un meurtrier. Un tirage au sort est effectué pour savoir qui enterrera le défunt hors du village. La main de Tom tire le papier où est inscrit le nom de son père. Mais franchir les limites du village c'est permettre à l’Ankou ( la Grande Faucheuse) d’effectuer sa besogne.

    Chaque livre de Fabienne Juhel est un réel plaisir ( A l'angle du renard, les bois dormants, les hommes sirènes) et celui ne déroge pas à cette règle ! Il y a toujours cette écriture ensorcelante, magique par sa touche poétique et par les descriptions de la nature. Ce livre est une immersion dans un univers hors du temps où chacun devra prendre ses responsabilités face à la mort.
    Et cette auteure que j'affectionne nous renvoie à nos propres questionnements. L’humour de Tom ou l’intervention de l’Ankou en tant que personnage sont des points lumineux dans ce beau roman !