Prescripteurs de saines addictions

Marie C.

Anne Carrière

20,00
Conseillé par (Librairie Dialogues)
16 mai 2013

Depuis trois ans, Thomas Tessler vit reclut dans sa chambre. La culpabilité de la perte de son jeune fils l'a poussé à se cloîtrer. "Hikikomori", c'est le terme japonais pour décrire ce syndrome. Silke, son épouse, est acculée, face à ce vide elle voit en Megumi sa dernière chance, leur dernière chance. Cette jeune japonaise a eu un frère "hikikomori" et l'a aidé, un temps. Une relation se noue, le contact entre Thomas Tessler et Megumi grandit. Le dialogue les mène tous deux à se confier l'un l'autre, à la douleur se mêlent l'amitié, l'amour, la tendresse.
Un trio complexe auquel le lecteur s'attache, un roman troublant que l'on a du mal à refermer.

Christian Bourgois

14,00
Conseillé par (Librairie Dialogues)
16 mai 2013

Comme dans un conte des mille et une nuits, une histoire d'amour dans laquelle un jeune pakistanais tombe sous le charme de la fille d'un puissant de la région, et on le jette en prison du fait de l'interdit de cet amour, de la transgression de la hiérarchie sociale. Après quinze ans d'emprisonnement, il fait le récit de sa jeune vie, et de son quotidien avec Abbas, un poète qui l'a recueilli, et grâce auquel il va tenter de se reconstruire. Le pouvoir de l'écriture est ici plus que tout salvateur, mais au delà de la difficulté de vivre, des moments très touchants parsèment le roman. Une vive émotion.

Conseillé par (Librairie Dialogues)
7 novembre 2011

Une ode engagée aux rêveurs

Dans le roman de Véronique Beucler, La décadence et autres délices, toute une partie de la population d’une ville est touchée par d’étranges mutations physiques, simplement esquissées par l’auteur, au début du roman, pour laisser son lecteur évoluer en même temps que ses personnages, afin qu’il ne découvre pas de façon trop abrupte l’horreur de ces transformations.
La grippe porcine en est le facteur déclencheur. Mais le lecteur découvre une tout autre épidémie, insidieuse, fourbe, inconnue et quasi indescriptible dès la troisième page. A la manière de didascalies, clin d’œil au talent de dramaturge de l’auteur, deux jeunes femmes font la découverte de mutations étranges sur leur corps.

L’indicible entre ici en scène ainsi que Vladimir, le personnage central du roman et Jeff, son ami d’enfance dermatologue. Celui-ci lui fait part de son inquiétude car depuis peu il reçoit dans son cabinet des patients atteints par ces fameuses mutations. Vladimir rencontrera Ana une patiente de Jeff avec laquelle il ressentira le besoin de partir, en deuxième partie de roman, tant le monde dit « normal » leur échappera.

Des thèmes comme l’altruisme, l’amitié et la tolérance, jalonnent le texte et font avancer les personnages. Vladi découvre cependant avec horreur, la folie de l’Homme, c’est une histoire dans l’histoire: le gouvernement va proposer des jeux romains antiques, des combats hommes-animaux, des hommes contre des fauves, pour obtenir un visa de séjour en France. L’horreur continue : cette proposition attirera l’un de ses amis sans-papier qu’il tentera d’aider grâce à un ami commun.

Déçu et un peu perdu, il s’exilera avec Ana, pendant quatre ans, pour revenir dans une ville qu’il ne reconnaît plus, scindée en deux mondes : celui de la décadence et de ses délices, celui des mutations physiques assumées et de ces cochons auxquels on ne touchera plus, et surtout pas dans son assiette ! Et celui de la soi-disant norme, le monde de Jeff et de sa peur de l’autre, le monde qui n’accepte aucune différence, le monde de l’intolérance.

Véronique Beucler offre ici une écriture pleine de subtilités et d’humour, à travers ces scènes de plaisir. L’animal même qu’est le cochon évoque la décadence, la lubricité, il n’y a plus d’inhibitions, chaque lecteur se retrouve face à ses propres interdits moraux qui explosent complètement ici. De cette façon, comment ne pas sourire lorsque dans cette parfumerie, des essences aux noms de « truffes », « petit groin » ou encore « fumure » sont présentées à Vladi et Ana ! J’ai aussi aimé l’inventivité de Véronique Beucler et sa « chorale nouveau genre : c’est ni plus ni moins des grognements ! »

La décadence et autres délices est une ode engagée aux rêveurs, aux poètes, aux anti-cartésiens, « une société a besoin de rêveurs » comme le dit Kapzyk, l’un des personnages qui gravite autour de Vladi pour l’aider dans ses choix.

C’est aussi une lecture très agréable que l’on découvre sous la plume de Véronique Beucler. L’intelligence de ce style littéraire nous propose par exemple, une sorte de sommaire à la lecture de la première page du roman. Véronique Beucler, par petites touches ou simples mots, va nous guider dans son roman: « grognait » fait référence au cochon, l’animal de la métamorphose, le mot « rêve » indique l’essence même de cette « décadence », tout comme cette comparaison qui laisse présager des « délices » et autres métamorphoses à venir : « son corps, entendez toute sa personne[…] avait été remplacée par une trompe ».
Autre exemple d’inventivité, nous entrons dans ce roman en sortant du rêve du personnage principal, Vladimir. Astucieuse idée de la part de l’auteur, qui par cette entrée en matière, nous fait découvrir son plaisir de l’écriture qui jalonnera tout le roman, jusqu’à la dernière page.

Enfin, cette histoire surprend, tant par le thème que par l’écriture, c’est en tout cas ce que j’attends d’un livre. Je n’ai pas une fois été essoufflée dans ma lecture, c’était au contraire très fluide et très agréable.
Bonne lecture!