Prescripteurs de saines addictions

Nouvelles

Calouan

Quadrature

15,00
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5 mars 2013

Recueil de nouvelles.

Elles s’appellent Marguerite, Blanche, Gloria, Aurore, Pia, Cassiopée, Kenza, Lilas, Madison, Oriane, Lisa ou Claire. Certaines sont anonymes. Elles cherchent l’amour, le plaisir, le désir. Tiercé gagnant, même dans le désordre. Surtout dans le désordre. Elles se cherchent elles-mêmes, se retrouvent, se découvrent. Chacune a son truc pour séduire les hommes, mais qu’elles soient sexy, cordon bleu ou naturelles, elles sont avant tout femmes, puissamment femmes. Parce qu’il y a mille façon d’être une « elle » et mille façon de le revendiquer, que l’on sorte ou non sa « panoplie de femme. » (p. 7)

Ces 17 nouvelles sur les femmes sont dédiées aux hommes, mais ne sont en rien un pamphlet féministe. Haut les filles !, haut les cœurs, haut les mains : tout ça à la fois. Calouan prend le lecteur en hold-up et fait battre son cœur juste un peu plus vite et juste un peu plus fort. Avec ses femmes – mères, filles, amantes, fortes ou fragiles –, l’auteure donne voix au chant du monde. Et dans ses phrases où les virgules disparaissent, le verbe se précipite pour nous murmurer les éclats de vie des héroïnes ordinaires de ces nouvelles. Pour finir, Calouan maîtrise ses chutes : même si ce sont souvent des vies suspendues, il aurait été vain et superflu d’ajouter un mot, un point. Les nouvelles stoppent exactement là où elles le doivent et, qu’on le veuille ou non, on doit laisser filer les femmes. « Il n’avait jamais pu l’effacer de sa mémoire. Jamais. Et vingt ans après elle est là, devant lui, s’en allant au bras d’un autre. » (p. 62) Voilà, qu’on se le dise, Haut les filles, mais bas les pattes quand il faut se quitter.

et autres textes sur la peine de mort

Victor Hugo

J'ai Lu

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5 mars 2013

Pour avoir volé du pain pour nourrir sa famille, Claude Gueux est emprisonné. Homme doux, intelligent et d’âme noble, il s’attire le respect et l’amitié des autres prisonniers, mais ne récolte que l’inimitié des geôliers, notamment celle du directeur de l’atelier pénitentiaire, Monsieur D. « Il avait au fond du cœur une haine secrète, envieuse, implacable, contre Claude, une haine de souverain de droit à souverain de fait, de pouvoir temporel à pouvoir spirituel. » (p. 14) Pour se venger de ce prisonnier, Monsieur D. le sépare de son seul ami, le jeune Albin, un voleur qui partageait son pain avec Claude. Sourd aux suppliques de Claude Gueux, se moquant de sa tristesse, Monsieur D. pense avoir pris l’ascendant sur le prisonnier. Mais Claude décide d’appliquer sa propre justice, la justice du bafoué. De voleur, il devient assassin. À son procès, n’accusant personne, il demande seulement ce qui a fait de lui ce voleur et cet assassin. Pour toute réponse, la justice lui fera entendre le sifflement de la guillotine.

Mais ceci n’est que la première de ce texte très court, l’histoire de Claude Gueux n’étant qu’un exemple édifiant. « Je dis les choses comme elles sont, laissant le lecteur ramasser les moralités que les faits sèment sur leur chemin. » (p. 7) Ce que Victor Hugo veut, c’est dénoncer un système judiciaire et carcéral qui ne répond en rien aux besoins d’une société affamée et dépossédée de tout. « Messieurs des centres, messieurs des extrémités, le gros peuple souffre. Que vous l’appeliez république ou que vous l’appeliez monarchie, le peuple souffre. Ceci est un fait. Le peuple a faim. Le peuple a froid. La misère le pousse au crime ou au vice, selon le sexe. Ayez pitié du peuple, à qui le bagne prend ses fils, et le lupanar ses filles. » (p. 39 & 40) Dans son plaidoyer, Victor Hugo appelle la Chambre des députés à écarter les sujets frivoles pour réfléchir à la constitution d’une meilleure société, arguant que les lois en place ne savent pas soigner les maux du peuple. Enfin, et surtout, Victor Hugo s’élève contre la peine de mort qui est pour lui un crime public et légal.

Voici donc le texte à l’origine des Misérables. Court, vibrant, incisif, Claude Gueux est un essai politique et social qui rappelle que Victor Hugo était un grand orateur. C’est une lecture essentielle pour comprendre les différentes révolutions du 19e siècle.

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3 mars 2013

Alors qu’elle se sait mourante, Mary Toliver modifie son testament et prive sa nièce du domaine de Somerset qui devait pourtant lui revenir. Ce faisant, la vieille dame espère que la jeune femme échappera à la malédiction de Toliver. Mais pour comprendre ce lourd anathème familial, il faut remonter au début du 20e siècle, à Howbutker, ville florissante du Texas jadis fondée par les Warwick, exploitants en bois, les Toliver, planteurs de coton et les Dumont, vendeurs d’articles de luxe.

En 1916, à peine âgée de 16 ans, Mary Toliver hérite de Somerset. Pour elle qui porte dans son sang les terres de ses ancêtres, cet héritage est logique, mais il lui met à dos son frère et sa mère qui s’estiment spoliés. En dépit de sa jeunesse, Mary est pleine de volonté et elle est déterminée à sauver le domaine des créanciers, même si elle doit pour cela renoncer à l’amour de Percy Warwick. Le choix est déchirant : sa plantation ou l’homme qui l’adore. Les années passant, ce sont les enfants et les petits-enfants de Mary et Percy qui auront à subir la loi implacable de Somerset.

Somerset, plantation de coton. Ces quelques mots évoquent un mythe américain à base de possession, de chaleur, de récolte et de labeur. Le coton a fait la fortune des états du Sud américain, mais il a aussi fait couler le sang et les larmes. Somerset n’échappe pas à cette règle : « Cette plantation risque de te trahir, de te décevoir, de t’épuiser, mais elle ne te quittera jamais. » (p. 88) Dans le cœur des hommes, la propriété s’oppose à la famille et ce dilemme déchire des générations. Mais, comme les roses blanches et rouges des antiques York et Lancaster, le pardon est une fleur fragile à qui il faut laisser le temps d’éclore.

Les roses de Somerset est un pavé, mais les 500 pages s’effeuillent à toute allure. L’intrigue est prenante et construite. En adoptant successivement les points de vue de Mary, Percy et Rachel, l’histoire embrasse parfaitement les destins croisés de plusieurs familles et de plusieurs générations. Ce qui fait tout le charme des sagas, c’est la révélation progressive de tous les secrets qui se sont noués. Si vous y ajoutez un peu de la caniculaire chaleur texane et des femmes au caractère bien trempé, vous obtenez un très bon roman sentimental. J’avoue que Mary m’a d’abord prodigieusement agacée. Je n’y peux rien, les personnages à la Scarlett O’Hara me tapent sur les nerfs : les fifilles à papa pourries gâtées qui veulent le beurre, l’argent du beurre et le fils de la crémière sans considération pour les désirs et les attentes des autres n’obtiennent que rarement ma sympathie. Heureusement pour Mary, son personnage évolue et celui de Rachel ne ressemble que partiellement à celui de sa tante.

La plume de Leila Meacham est honnête et maîtrisée, mais n’a rien de renversant. De toute façon, ce n’est pas vraiment ce qu’on demande à ce genre de roman : Les roses de Somerset offre une bonne histoire, des personnages attachants et un parfait moment de détente. Si vous comptez l’emmener dans le train, vous ne mettrez pas grand-chose d’autre dans votre sac à main, mais vous passerez un charmant moment de lecture.

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2 mars 2013

On vient de le débrancher. Tahar, l’Algérien, va mourir. Autour de son lit se tiennent sa femme française, son fils muet, son beau-père chrétien et son frère d’armes. Tahar est venu en France à l’âge de 15 ans. Mais il n’était plus un enfant : la guerre d’Algérie venait de finir et il a fallu choisir un camp. Tahar a choisi la France, mais cela ne signifie pas qu’il a renié l’Algérie : il la porte en lui, lourde comme un reproche. Et la France ne lui a jamais vraiment su gré de son choix, quels que soient les efforts qu’il a déployés. « Au début, je suis Tahar l’assimilé, à la fin je suis Tahar l’Algérien. » (p. 21) Qui est Tahar ? Lui-même n’est pas certain de le savoir.

De page en chapitre, on aperçoit des éclairs du passé, de l’enfance de Tahar et de la guerre, mais aussi de sa vie avec son épouse. La narration passe sans cesse d’une voix à une autre. Du « je » au « il », l’histoire change de cadrage et change d’angle. Les souvenirs de Tahar s’accompagnent des pensées des quatre personnes qui se tiennent autour de son dernier lit. Difficile alors de s’attacher au personnage principal : cela participe de sa construction puisqu’il parle peu de lui et reste un être secret. Mais pour ma part, je suis totalement passée à côté de cette histoire. La guerre d’Algérie est un sujet que je juge complexe et délicat tant il touche à l’intimité de l’histoire française. Dans ce texte, je n’ai pas retrouvé cette complexité. Je retiens malgré tout une phrase sur l’intégration des Arabes : « De toutes les offenses qu’on nous a faites, le politiquement correct est la plus cinglante, un coup de maître. » (p. 115) Voilà une réflexion que je partage complètement. Mais à part cela, L’averse est une lecture manquée. Cela dit, je sais qu’elle pourra toucher de très nombreux lecteurs.

10,90
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2 mars 2013

Roman de Stephen King. Illustrations de Bernie Wrightson.

Depuis plusieurs générations, les loups descendent de Tonnefoudre et enlèvent les enfants de la Calla. Quand les enfants reviennent, ils sont crânés et toute étincelle d’intelligence et d’âme a disparu : ils ne sont plus qu’« un corps énorme sous une tête vide. » (p. 31) Dans ce pays où ne naissent presque que des jumeaux, les loups n’enlèvent qu’un enfant par paire et nul ne sait pourquoi, ni ce qu’il advient des enfants à Tonnefoudre.

Pendant ce temps, Roland et son ka-tet ne savent pas comment ils ont quitté le palais de cristal vert, ni ce qui s’est passé après leur rencontre avec John Farson, l’ennemi juré du pistolero qui se fait aussi appeler Marten. Mais ils ont compris qu’il existe une rose : si fragile soit-elle, elle possède une puissance extraordinaire. « Il y a deux pivots dans l’Existence. […] Deux ! […] La Tour… et la rose. Pourtant, elles ne sont qu’une seule et même chose. » (p. 195) Alors, quand la Calla se dresse soudain sur le chemin des pistoleros, ils doivent choisir s’il faut d’abord protéger la rose ou sauver les jumeaux de ce pays.

Dans le tome précédent, au cours de sa longue confession, Roland avait appris à ses amis l’existence de boules de cristal capables de faire voyager les hommes. La plus terrible d’entre elles est la Treizième Noire. Si elle peut aider les membres du ka-tet à partir vaadasch, elle peut également se retourner contre ceux qui l’utilisent et quand elle est aux mains d’une puissance malveillante. Ainsi, chaque voyage qu’Eddie entreprend vers New York pour tenter de sauver la rose est une traversée pleine de dangers.

Le ka-tet rencontre le prêtre Callahan qui leur raconte son terrible passé, aux prises avec l’homme en noir, les vampires et les hommes en manteau jaune. Ces derniers, Stephen King en a déjà parlé dans Cœurs perdus en Atlantide, le roman qui m’a justement ouvert les portes de La Tour sombre. Dans ce cinquième volume, on entend aussi parler des Briseurs de Rayon. Et on croise Andy le robot et Mia fille de personne. De nombreux récits s’intercalent dans l’intrigue et ralentissent la quête. Ou plutôt, sauver les enfants de la Calla est une quête dans la quête.

Stephen King met en abyme ses propres textes, mais également des histoires de la culture américaine et moderne. Ainsi, on croise quelques éléments échappés de La guerre des étoiles ou de l’univers d’Harry Potter, ou encore des comics Marvel. Sous la plume de Stephen King, la culture populaire devient mythique et compose un palimpseste à la fois drôle et subtil.

J’ai beaucoup aimé ce tome, même s’il s’éloigne un brin de la Tour sombre. Et j’ai été particulièrement touchée par Jake : le garçon perd peu à peu son innocence et le pistolero ne peut s’empêcher de souffrir de ce qu’endure son jeune ami. « Non, tu n’as pas demandé à être amené ici. Moi non plus, je n’ai pas cherché à te voler ton enfance. Pourtant, nous voici ici et le ka se tient au bord de la route et se rit de nous. Il nous faut agir selon sa volonté ou bien en payer le prix. » (p. 379) Et maintenant, vivement le tome suivant, à la poursuite de Susannah et des deux monstres qu’elle abrite. Non, je n’en dirai pas plus !