Prescripteurs de saines addictions

Journal, tome septième
EAN13
9782246792802
ISBN
978-2-246-79280-2
Éditeur
Grasset
Date de publication
Langue
français

Journal, tome septième

Grasset

À paraître

Autre version disponible

OEUVRES DE E. ET J. DE GONCOURT

Tous les ouvrages contiennent une postface écrite par un Membre de l'Académie Goncourt.Déjà parus dans la même édition :EDMOND ET JULES DE GONCOURT

GERMINIE LACERTEUX, roman, post face de Gustave Geffroy.

SOPHIE ARNOULD, d'après sa correspondance et ses Mémoires inédits postface d'Emile Bergerat.

SŒUR PHILOMÈNE, roman, postface de Lucien Descaves.

RENÉE MAUPERIN, roman, postface d'Henry Céard.

MADAME GERVAISAIS, roman, postface de Gustave Geffroy.

LA FEMME AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE, postface de J.-H. Rosny jeune (2 vol.).

PORTRAITS INTIMES DU DIX-HUITIÈME SIÈCLE, postface de Jean Ajalbert (2 vol.).

MANETTE SALOMON, roman, postface de Lucien Descaves.

GAVARNI. L'homme et l'œuvre, postface de Gustave Geffroy,

HISTOIRE DE MARIE-ANTOINETTE, postface de J.-H. Rosny aîné.

CHARLES DEMAILLY, roman, postface de J.-H. Rosny jeune.

PRÉFACES ET MANIFESTES LITTÉRAIRES, postface de Jean Ajalbert.

MADAME DE POMPADOUR, postface de J.-H. Rosny aîné.

QUELQUES CRÉATURES DE CE TEMPS. postface de J. -H. Rosny aîné.

L'ART DU DIX-HUITIÈME SIÈCLE, postface de Pol Neveux (3 vol.).

HISTOIRE DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE PENDANT LA RÉVOLUTION, postface de Lucien Descaves.

HISTOIRE DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE PENDANT LE DIRECTOIRE, postface de Lucien Descaves.

EN 18.., postface de Gaston Chéran.

THÉATRE. Henriette Maréchal. — La Patrie en danger, postface de Jean Ajalbert.

LA DU BARRY, augmentée de lettres et documents inédits, postface de J.-H. Rosny aîné.

LA DUCHESSE DE CHATEAUROUX ET SES SŒURS, augmentée de lettres et documents inédits, postface de J.-H. Rosny aîné.JOURNAL (MÉMOIRES DE LA VIE LITTÉRAIRE).

Tome I (1851-1861), postface de Lucien Descaves. — Tome II (1862-1863). Tome III (1866-1870). — Tome IV (1870-1871), postface de Lucien Descaves.

Tome V (1872-1877). — Tome VI (1878-1884). — Tome VII (1885-1888). Tome VIII (1889-1891). — Tome IX (1892-1895), postface de Lucien Descaves.EDMOND DE GONCOURT

LA FILLE ÉLISA, roman, postface de Jean Ajalbert.

CHÉRIE, roman, postface de J.-H. Rosny aîné.

LA GUIMARD, d'après les registres des Menus-Plaisirs, de la Bibliothèque de l'Opéra, etc.. postface de J.-H. Rosny jeune.

HOKOUSAÏ. L'Art Japonais au XVIIIe siècle, postface de Léon Hennique.

LA FAUSTIN, roman, postface de Lucien Descaves.

LES FRÈRES ZEMGANNO, roman, postface de Léon Hennique.

OUTAMARO. Le peintre des maisons vertes. L'art japonais au XVIIIe siècle, postface de J.-H. Rosny jeune.

MADAME SAINT-HUBERTY, d'après sa correspondance et ses papiers de famille, postface d'Henry Céard.

MADEMOISELLE CLAIRON, d'après ses correspondances et les rapports de police du temps, postface de Lucien Descaves.

LA MAISON D'UN ARTISTE, postface de Pol Neveux (2 vol.).JULES DE GONCOURT

LETTRES, introduction d'Henry Céard.

Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés pour tous pays.

© Éditions Grasset & Fasquelle 1935.

9782246792949 — 1re publicationANNÉE 1885

Jeudi 1er janvier 1885.— Un premier jour de l'année, qui a l'apparence d'un Jour de l'An, dans les Limbes, et se terminant par un dîner mélancolique, chez les Lefebvre de Béhaine, ces exilés de la diplomatie.

Samedi 3 janvier.— Ah, si un parti politique quelconque avait mis à l'exécution l'idée, que je lui donnais dans ce Journal, l'idée de créer dans le gouvernement : un ministère de la souffrance publique, que de choses menaçantes qui sont, ne seraient pas !

Lundi 5 janvier.— Nos arts plastiques, à nous Européens, n'aiment à représenter que l'animalité supérieure : les féroces, le cheval, le chien. Nos artistes n'ont pas cette espèce de tendresse, qui porte les artistes de l'Orient, à dessiner, à sculpter, amoureusement, la bête, et toutes les bêtes : les plus viles, les plus humbles, les plus méprisées, le crapaud par exemple.

Jeudi 8 janvier.— L'aurais-je jamais cru ? le jeune Léon Daudet m'apprend qu'au collège Louis-le-Grand, l'histoire de la Révolution, s'apprend dans notre Histoire de la Société française pendant la Révolution et le Directoire.

Samedi 17 janvier.— On parle d'About, de son besoin maladif de dire des méchancetés spirituelles, méchancetés, dont l'émission était toujours précédée d'une fermeture jouisseuse des yeux, pareille à celle d'un chat qui boit du lait, savourant d'avance la cruauté de son mot, et qui faisait s'écrier à Mme About : « Edmond, Edmond I... » comme si elle voulait arrêter le trait mordant, au fond de la gorge de son mari.

Dimanche 18 janvier. — On vivrait mille ans, qu'un homme doué d'une intelligence travailleuse, le jour de sa mort, s'apercevrait qu'il n'a pas fait la moitié de tout ce qu'il voulait faire.

Mardi 20 janvier.— Les pièces à thèse, sont des chinoiseries, rien que cela. Ce n'est ni une étude vraie de la vie moderne, ni un recueil de belle écriture, et il n'y a là dedans qu'un travail d'écureuil, et une dépense de fausse imagination autour d'une situation tirée par les cheveux.

Jeudi 22 janvier.— Dîner chez Charpentier, avec les Daudet, Scholl, Huysmans, Lemonnier.

Scholl, un amusant et brillant ferrailleur de la parole, un verveux et nerveux causeur, qui, de temps en temps, a des mots qui sont comme des coups de garcette, mais donnés toutefois avec une grâce en leur férocité.

Un moment il nous parle, gentiment et spirituellement, d'une danseuse de corde à laquelle il faisait la cour, concurremment avec le peintre Tissot, qui, en vieux romantique, accompagnait la belle aux gares de chemin de fer, tenant d'une main le cerceau dans lequel elle sautait, et de l'autre la couseuse mécanique, avec laquelle elle avait l'habitude de rapetasser ses costumes.

Et à propos de cirque, il nous cite un original, un Américain, qui, aussitôt arrivé dans un pays qu'il ne connaissait pas, allait au cirque, payait un dîner à la troupe, s'assurant, au prix de ce dîner, un cornac, qui l'introduisait partout, et lui faisait voir tout ce qu'il y avait de curieux, là où il faisait séjour.

Dimanche 25 janvier.— Aujourd'hui Daudet et sa femme viennent me voir, viennent étrenner mon grenier. Ils restent longtemps, très longtemps, jusqu'au crépuscule, et dans le tête-à-tête et dans l'ombre, l'on cause avec une tendre expansion.

Daudet parle des premières années de son mariage, me dit que sa femme ne savait pas qu'il existât un Mont-de-Piété, et lorsqu'elle l'a su, par une certaine pudeur de la chose, ne le nommait jamais, lui jetant : Vous avez été là ? Le gentil de ceci, c'est que chez cette jeune fille, bourgeoisement élevée, il n'y eut pas le moindre effarement en cette nouvelle existence, dans la fréquentation de ce monde de mangeurs de dîners, de carotteurs de pièces de vingt francs, d'emprunteurs de pantalons.

Ah ! par exemple, s'écrie Daudet, la chère petite femme ne dépensait rien, mais rien du tout pour elle... nous avons encore nos petits livres de compte de ce temps-là, où à côté d'un louis pris par moi ou par un autre, il y a, çà et là, de temps en temps, seulement pour elle : omnibus, 30 centimes. Mme Daudet l'interrompt, en disant ingénument : « Je crois vraiment que je n'étais pas tout à fait développée en ce temps, je ne me rendais pas compte... » Je penserais plutôt qu'elle avait la foi des gens heureux et amoureux, la confiance que tout s'arrangerait dans l'avenir.

Et Daudet reprend que, pendant toutes ces années, il n'a rien fait, qu'il n'y avait alors chez lui, qu'un besoin de vivre, de vivre, activement, violemment, bruyamment, un besoin de chanter, de faire de la musique, de courir les bois avec une pointe de vin dans la tête, d'attraper des torgnoles. Il avoue que dans ce temps, il n'avait aucune ambition littéraire ; seulement c'était chez lui un instinct et un amusement de tout noter, d'écrire même jusqu'à ses rêves.

C'est la guerre, assure-t-il, qui l'a transformé, qui a éveillé au fin fond de lui, l'idée qu'il pouvait mourir, sans avoir rien fait, sans rien laisser de durable... Alors il s'est mis au travail, et avec le travail, est née chez lui l'ambition littéraire.

Lundi 26 janvier.— Quels diplomates feraient ces marchands juifs ! Aujourd'hui l'un d'eux dépouillant la réserve israélite, et en veine de confidence, me parlait des conditions avantageuses pour traiter un...
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