Prescripteurs de saines addictions

L'atelier d'écriture, éléments pour la rédaction du texte littéraire
EAN13
9782200353346
ISBN
978-2-200-35334-6
Éditeur
Armand Colin
Date de publication
Collection
U
Nombre de pages
176
Dimensions
22 x 13 x 1 cm
Poids
270 g
Langue
français
Code dewey
808.007

L'atelier d'écriture

éléments pour la rédaction du texte littéraire

De , ,

Armand Colin

U

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« C'est vilain de copier ! » Depuis l'interdiction de copier à l'école primaire, jusqu'à la juridiction du plagiat, tout nous incite à fonctionner, du moins imaginairement, comme une sorte de gigantesque Société des Gens de Lettres, où chaque individu qui se risque à prendre la plume est condamné à être original, sous peine de sanctions. Cette condamnation est d'ailleurs parfaitement intériorisée : je veux être original (e), je veux être le seul à écrire ce que j'écris.

Or, cette injonction méconnaît ce que la moindre pratique, non seulement d'écriture, mais de lecture, nous apprend : avant d'écrire, on copie, ou, pour mieux dire, l'écriture commence avec la copie. Ce n'est pas devant un beau paysage, mais devant un tableau qu'on s'écrie : « Moi aussi, je serai peintre ! »

Dans les siècles passés, cette pratique n'avait rien de scandaleux : c'était l'accès au métier. Mozart commence par copier des fugues de Bach, Géricault commence par copier les tableaux de Caravage, etc.

Aujourd'hui, avec les travaux de Bakhtine, popularisés en France par Julia Kristeva, avec l'apparition de la notion d'intertextualité, s'est fait jour l'idée que tout écrit est le produit de tous les textes lus antérieurement par celui qui l'écrit, que tout auteur est pris dans le vaste réseau de tous les écrivains passés, présents et futurs. La réalité de l'intertextualité est bien antérieure à sa « découverte » par les théoriciens de la littérature aujourd'hui ; mais c'est surtout au xxe siècle que de plus en plus d'auteurs se sont mis à s'en réclamer, à faire des emprunts plus ou moins étoffés aux textes qu'ils aiment, et parfois à le dire explicitement.

Georges Perec, dans Le voyage d'hiver, poursuivi par Jacques Roubaud en Voyage d'hi(v)er, imagine un poète génial et inconnu qui aurait été pillé par Hugo, Banville, Verlaine, Rimbaud, Mallarmé... Le texte est une narration en prose mêlée d'incrustations des « pillards ». De même, dans La Vie mode d'emploi, Perec truffe son « romans », au pluriel, de citations « parfois légèrement modifiées » de Belletto, Bellmer, Borges, Agatha Christie ( et ainsi de suite jusqu'à Unica Zürn ) et en dévoile la présence dans un Post-Scriptum.

Enrique Vila-Matas, dans Le mal de Montano, recrute Jules Verne, Jacques Vaché, Walter Benjamin, Shakespeare, Danilo Kis, W.G.Sebald et quelques autres, pour secourir son héros changé en « agraphe tragique ».

Dans L'Affaire Jane Eyre, Jasper Fforde crée un univers parallèle où Jane n'épouse pas Rochester, où Shakespeare n'est qu'un comédien peu connu... mais où les agents secrets préposés à la surveillance de la littérature rétabliront l'ordre.

Yak Rivais fabrique son roman Les Demoiselles d'A. comme un centon, en n'utilisant que des phrases de romanciers antérieurs.

Guy Tournaye, dans Le décodeur, histoire d'un forum télévisé fermé par le FBI car soupçonné d'être utilisé par des terroristes pour communiquer en code, dévoile en final le procédé : « La plupart des textes contenus dans cet ouvrage, à commencer par la présente note, ont été publiés sous d'autres noms par d'autres éditeurs. »

De tels exemples ne doivent pas faire illusion : l'intertextualité est loin d'avoir acquis droit de cité dans la République des Lettres, et la plupart des auteurs, qu'ils soient connus, obscurs, ou... virtuels, comme vous, se cramponnent au rêve d'être le seul auteur de leur texte.

Nous écrivons – vous écrivez, ou vous écrirez – parce que nous sommes – vous êtes – des lecteurs.

Nous prenons parti pour l'intertextualité, théorie réaliste de l'acte d'écrire.

Nous vous proposons d'être, vous aussi, des lecteurs qui écrivent.

Nous vous offrons l'aide des auteurs que nous aimons, que peut-être vous aimez déjà, pour écrire comme eux, et trouver ainsi la manière d'arriver à écrire comme vous.

Qui de nous n'a éprouvé l'angoisse de la page blanche, qu'il s'agisse d'une rédaction à l'école, d'un texte dit libre, ou d'une tentative pour répondre à l'injonction paradoxale « Soyez spontané ! » La « liberté » qui nous est ainsi offerte – imposée ? – n'a pour effet, le plus souvent, que de nous paralyser.

Nous vous proposons, surtout dans les premiers chapitres, des exercices qui obéissent à des contraintes strictes. Cela doit-il vous décourager, vous faire penser que « vous n'y arriverez pas » ? Au contraire : très vite, vous vous apercevrez que la contrainte vous porte, qu'elle vous permet d'écrire alors même que vous pensiez « n'avoir rien à dire », ce qui signifie le plus souvent « ne pas arriver à dire ». Au fur et à mesure que vous progresserez dans votre démarche, vous constaterez que vous jouez de plus en plus facilement avec les contraintes proposées, et que les derniers chapitres, faisant la part moins belle aux consignes, vous permettent d'accéder à une forme plus « vôtre ».

« Ce que j'écris, qu'est-ce que ça vaut ? » Question que tous les animateurs d'ateliers d'écriture connaissent bien, et à laquelle ils n'aiment pas toujours répondre ! Comment en effet évaluer un texte produit en atelier ? par rapport à l'exécution de la consigne ? certains animateurs s'y tiennent, estimant que tout autre évaluation mettrait en jeu leurs critères subjectifs ; cela se conçoit, mais cela suffit-il ? en particulier, cela permet-il au participant d'avancer ?
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