Prescripteurs de saines addictions

La nuit tombée

Antoine Choplin

Fosse aux ours

  • Conseillé par (Librairie Ravy)
    28 août 2012

    Un style saccadé, comme les soubresauts d’une moto sur une route mal pavée, pour ce livre dont l’atmosphère rappelle « la route » de McCarthy.
    Gouri, qui travaillait à la centrale ,veut récupérer un objet dans sa maison, en zone strictement interdite depuis l’accident d’avril 1986. Il fera escale chez Iakov, malade, qui a dû accepter la mission « d’enterrer la terre » et d’évacuer les gens , et se fera aider pour entrer dans la zone et déjouer la vigilance des gardiens. Un peu de poésie et de chanson allègeront l’ambiance de ce très beau texte, sans misérabilisme et tout en émotion.


  • Conseillé par (Librairie La Galerne)
    20 octobre 2012

    D'une rare intensité, ce court texte aussi poignant que douloureux est tout simplement remarquable. Un roman plein d'humanité, grave, où les silences, nombreux, disent beaucoup et plus encore. Très fort !


  • Conseillé par
    8 octobre 2012

    Très belle écriture

    Ayant lu Le héron de Guernica, je savais à quel point la plume d'Antoine Choplin pouvait être belle. Ce que j'ai découvert avec ce court roman, c'est qu'il pouvait en plus écrire un roman très fort, empreint d'émotion. Ce qu'il nous décrit est un univers post-apocalyptique, où les gens ont souffert, souffrent encore des conséquences de l'irradiation. Lorsqu'ils ne sont pas eux-mêmes malades, ils ont un proche qui risque d'en mourir. Mais ce dont ils souffrent aussi, c'est d'avoir dû quitter à jamais leur maison. Certains préfèreraient prendre le risque d'y rester plutôt que de souffrir ce déracinement qui n'est pourtant que de quelques kilomètres. Ce roman parle aussi de l'importance des mots: pour crier son désespoir et ne pas oublier comme le fait Gouri avec ses poèmes mais aussi pour laisser une trace à ceux qu'on aime avant de mourir et la demande de Iakov à Gouri m'a beaucoup touchée. De ce roman il me restera de nombreuses images, celle d'une vieille femme enterrant sa Singer ou celle d'une centaine d'oiseaux morts. Lu il y quatre mois, je n'ai toujours pas oublié ce roman.


  • Conseillé par
    29 août 2012

    Très beau

    Encore une fois je suis tombée sous le charme d’Antoine Choplin !

    J'ai découvert cet auteur avec Le héron de Guernica, qui m'a bouleversée, et j'ai pris beaucoup de plaisir à le retrouver avec La nuit tombée.
    Ce qui est d’autant plus étrange que je n’aime pas les livres où il ne se passe pas grand-chose, et ici, je dois admettre que c’est le cas !
    Pas d'action et pourtant tout est intense : les sentiments, les ressentis, les émotions, les mots choisis !

    Gouri retourne à Chevtchenko après le drame de Tchernobyl.
    Sur la route, il s’arrête faire une halte à Pripiat, chez Iakov et Vera, des amis qu’il n’a pas revus depuis deux ans.

    Tout survit à cet endroit où l’explosion de la centrale a tout dévasté, autant la nature que les hommes.

    Iakov est d’ailleurs très malade.
    Autour d’un repas, tous se remémorent les souvenirs d’avant le drame.
    Les amis et connaissances sont présents, la vodka coule à flot.
    La nuit et l'alcool les aident à se parler, à se raconter.
    A la nuit tombée, Gouri prendra la route, car il doit récupérer quelque chose à Chevtchenko, et ainsi tenir la promesse faite à sa fille.

    Mais il reviendra car c’est un homme de parole et il se doit d’exaucer une des dernières volontés de Iakov.

    Ce roman est rempli d'humanité, de pudeur et d'amitié.

    L’écriture est fidèle à celle que l’on retrouve dans Le héron de Guernica : Les silences sont lourds de sens.

    C’est un beau roman, particulier certes, mais tellement humain…


  • Conseillé par
    27 août 2012

    Il y a eu la vie à Tchernobyl.

    «Après les derniers faubourgs de Kiev, Gouri s’est arrêté sur le bas-côté de la route pour vérifier l’attache de la remorque.»

    Gouri part en moto vers la zone. La zone interdite de Tchernobyl.
    Gouri est un ancien «volontaire» pour nettoyer le réacteur N°4 de la centrale.
    «C’était tôt le matin, deux camions militaires sont arrivés ici au village. Une huitaine de gars sont descendus et le chef a pris la parole pour dire qu’ils recrutaient des hommes pour nettoyer la zone. Que s’engager pour ce travail, c’était ni plus ni moins faire son devoir de citoyen.» Ce seront les liquidateurs.

    Ecrivain public à Kiev, il revient sur les lieux deux ans plus tard.
    Il veut récupérer la porte de la chambre de sa fille.
    «Il y a pas mal d’inscriptions dessus. Des choses que nous avions écrites ou dessinées, Ksenia et moi. Un peu de poésie, des mots comme ça.». Et les marques de la taille de Ksenia, à douze ans, à treize et demi, quatorze.
    Gouri, sa femme et sa fille habitaient à Priapiat, près du square Pouchkine, pas loin de la centrale.
    Aujourd’hui c’est une ville fantôme où dans les jardins brillent des taches violacées de césium, une sorte de jus qui suinte de partout et sombrent des oiseaux aveugles.

    Sur son chemin il va rencontrer des survivants. Ils vont raconter, se raconter la catastrophe. Ils vont chanter, au son de l’accordéon, ivres de vodka et de souvenirs le temps...d’avant l’événement.
    Véra, Piotr, Pavel, Ivan, Leonti, Kousma, Vassili, Svetlana et les autres.
    Et Iakov qui se meurt.
    «Le visage est méconnaissable. Il a perdu ses cheveux et la peau du crâne est diaphane. Laissant voir en plusieurs endroits l’épaisse saillie des veines. L’un de ses yeux est presque fermé, comme celui d’un boxeur après un combat. Les joues sont creuses, les lèvres curieusement retroussées, les mâchoires crispées.»

    Son précédent livre «Le héron de Guernica» m’avait enchanté.
    L’histoire de Basilio, un jeune peintre autodidacte qui peint les hérons cendrés des marais de Guernica. La guerre d’Espagne, Picasso...

    Toujours tout en retenue, écrivain économe, pudique, presque magique mais tellement généreux avec le lecteur.
    Cette nuit tombée m'a séduit.
    L'écriture de Choplin, teintée d’atticisme, jette comme un sort sur le lecteur.
    Il nous charme avec ses mots légers, ses courtes phrases lestées d'adjectifs trop qualificatifs.
    L'ombre des mots, discrète, à peine visible, invisible presque, déborde d'émotions, nous arrache des larmes, nous prend aux tripes.
    L'ombre du drame nous tient le fil à la page.
    Merci Monsieur Choplin.
    «Sans bon sentiment, l’on ne fait que mauvaise littérature.» écrivait Gide.

    «Je suis allé plusieurs fois sur le toit ave lui. Il voulait toujours mettre un ou deux coups de pelle de plus que les autres. Il dépassait les quarante secondes à chaque coup.»

    Tchernobyl, 25 ans après : de 25 000 à 125 000 morts et plus de 200 000 invalides, et pour les populations exposées à la contamination un bilan qui sera selon les estimations de 14 000 à plus de 985 000 morts à travers le monde.

    Mais ce livre vous en dira beaucoup plus que ces chiffres...
    C’est le pouvoir de la littérature.


  • Conseillé par
    24 août 2012

    A la recherche du passé

    Un homme revient sur les traces de son passé. Un passé douloureux hanté par le souvenir de la catastrohpe nucléaire de Tchernobyl. Gouri, notre héros souhaite récupérer une porte, "celle de la chambre de Ksenia (...), il y a pas mal d'inscriptions dessus, dit Gouri, des choses que nous avions écrites ou dessinées, Ksenia et moi. Un peu de poésie, des mots comme ça..."


    La douleur du chaos est toujours aussi présente dans l'esprit des gens. Seuls les liens d'amitié sont restés intacts mais l'exil est devenu le lot quotidien des habitants.
    Que cherche réellement Gouri ? "Il cherche une fois de plus à se convaincre des nécessités de l'exil, flairer la réalité de ces puissances cruelles, imperceptibles et assassines, et préservant si étrangement l'apparence du monde. En découdre avec elles, comme il l'avait fait , d'une autre manière, à coups de pelletées brûlantes sur le toit du réacteur n°4".
    Un texte ramassé et dépouillé où l'essentiel est dit.
    La nuit est tombée sur cette région le jour de la castastrophe et la lumière semble être masquée par un nuage opaque teinté de mélancolie et de solitude.


  • Conseillé par
    17 août 2012

    Touchée et émue !

    Gouri vient tout juste de quitter Kiev. Il a un drôle d’air, là, avec sa moto qui traîne une remorque. On se demanderait presque si cette monture farfelue arrivera en un seul morceau à destination. Mais Gouri sait ce qu’il fait. La lumière à cette époque de l’année est douce, les rayons du soleil arrivent encore à passer à travers les branches : de jolis rameaux de lumière.
    Notre homme espère arriver avant la nuit. Ainsi, il pourra se reposer un peu auprès de ses amis avant de reprendre la route vers Pripiat. La zone interdite.
    Cela fait deux ans qu’il ne les a pas revus. Après la catastrophe, après avoir combattu de son mieux ce mal étrange et invisible qui s’est abattu sur sa ville un certain mois d’avril 1986, il est parti à Kiev. Mais le voici de retour, mû par une certaine urgence. Il doit retourner chez lui, un objet l’y attend …

    Mais pour le moment le voici arrivé devant la maison de Iakov et Véra. Ils l’attendent …

    La Nuit tombée relate le retour au pays natal d’un homme contraint à l’exil à cause de ce mal invisible, cette radioactivité qui a fait de Pripiat une ville fantôme. Un retour douloureux car si ce mal n’a jamais montré son visage, ses ravages sur l’homme sont nombreux. Iakov, l’ami de Gouri, tout d’abord est un homme dont les jours sont comptés.

    Pantin désarticulé vivant, Iakov est bien l’ombre de lui-même, et son récit devra un jour ou l’autre être transmis aux survivants, voire même pourquoi pas, être transcendé par la plume poétique de Gouri. Pourtant, loin de provoquer la pitié, Iakov incarne un courage sans faille, celui dont sont faits les héros.
    Récit d’hommes et de femmes brisés, aucun pathos ne s’élève pourtant de leur récit. Iakov a tout d’un héros, mais que dire de sa femme qui garde le sourire et n’hésite pas à glisser quelques traits humoristiques malgré cette situation tragique ? Que dire aussi de cet enfant qui a tout perdu mais que Véra a recueilli ? Que dire aussi de cette vodka qui coule à flots et semble panser pour un temps ces cicatrices à jamais à vif ?
    C’est la vie même qui reprend ses droits.

    Et puis, au milieu de tout ce réalisme déchirant, il y a la plume de Gouri, le chantre de cette catastrophe nucléaire :

    C’est un drôle de sang qui a bondi par les allées tranquilles, emplies d’odeur
    A l’encontre des roses et des haleines fraîches de femmes
    C’est un sable assassin qui pour toujours grimpe aux écorces
    Et avance comme une langue jusqu’aux portes des maisons.

    Lui aussi a refait sa vie, loin ces fantômes du passé, mais le mal l’a-t-il réellement quitté ? Peut-on oublier ces jours terrifiants ? Voilà pourquoi il a décidé de revenir, il doit aller chercher un objet laissé dans sa maison. Malgré les interdictions, malgré cette zone encore contaminée, il ira.

    Outre la voix de Iakov, une autre voix, celle de Kouzma, racontera aussi les affres des mois qui ont suivi la catastrophe de Tchernobyl. Ces habitants qu’on évacue coûte que coûte, ces animaux qu’on abat à tour de bras, cette terre qu’on retourne sur elle-même, comme si l’on enterrait la terre même … Mais lui non plus ne craint pas d’aller dans la zone interdite. D’ailleurs, certains y vont toujours pour dépouiller les fantômes de leurs derniers biens matériels.

    La nuit tombée est un récit bouleversant. Sans pathos ou misérabilisme, il met le lecteur face aux fantômes du passé, mais aussi à ceux du présent. Récit d’exilés, de meurtris au plus profond de leur chair, ce livre touche aussi par son universalité tout en se focalisant sur une sombre période de notre Histoire.

    Mais c’est aussi l’histoire de gens qui, loin d’oublier le passé, sont un peu comme des phénix qui renaissent de leurs cendres. Un bel hymne à la vie qui reprend ses droits, mais aussi un bel hommage à cette terre qui restera aux yeux de ses habitants la plus belle, fût-elle contaminée.


  • Conseillé par (Librairie Athenaeum)
    9 août 2012

    Silences éloquents

    Gouri, écrivain public à Kiev, veut retourner à Pripiat, en Ukraine, à quelques kilomètres de la centrale de Tchernobyl et, en chemin, rencontre ses anciens amis et se souvient de la vie telle qu'elle était avant la catastrophe.
    En approchant de "la zone" et de la ville morte, il est venu rechercher quelque chose pour sa fille Ksenia.
    Au-delà du remord d'être parti, il écoute les histoires avec délicatesse en respectant la sensibilité "slave", toute en retenue, autour de cette monstrueuse tragédie.
    Le style est incisif et fait froid dans le dos mais ne permet pas de lire ce roman autrement qu'en un seul tenant.