Prescripteurs de saines addictions

3, Stoneheart 3 - Langue d'argent
EAN13
9782012014299
ISBN
978-2-01-201429-9
Éditeur
Hachette Romans
Date de publication
Collection
ROMANS AUT.FORM (3)
Séries
Stoneheart (3)
Dimensions
21,5 x 13,5 cm
Poids
496 g
Langue
français
Langue d'origine
anglais
Code dewey
804

3 - Stoneheart 3 - Langue d'argent

De

Traduit par

Hachette Romans

Romans Aut.Form

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Couverture : © Steve Stone

Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Laurence Kiefé

L'édition originale de cet ouvrage a paru en langue anglaise chez HodderChildren's Books, une division de Hachette Children's Books, sous le titre :

SILVER TONGUE

© Charlie Fletcher, 2008.

© Christopher Crump, 2008 pour la carte.

© Hachette Livre, 2009 pour la traduction et la présente édition.

Hachette Livre, 43 quai de Grenelle, 75015 Paris.

ISBN : 978-2-01-203719-9

Loi n° 49-956 du 16 juillet 1949
sur les publications destinées à la jeunesse

« Si la langue du juste est d'argent fin
Le cœur du méchant ne vaut presque rien. »

Proverbes (ch. X, v. 20)

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PROLOGUE
LE BROYEUR À GLACE

Le Broyeur à Glace virevoltait au-dessus de la City, se délectant de ce nouvel autre-monde qu'il avait découvert. Il sentait les lignes de force et les antiques lieux magiques enterrés sous la peau fine des rues et des bâtiments modernes.

La première chose qui attira son attention, tandis qu'il fonçait dans cette dimension inhabituelle, fut la sombre pulsation de puissance à peine contenue dans les limites de la Pierre de Londres. La Pierre, posée derrière une grille de fer forgé, au flanc d'un immeuble banal de Cannon Street, n'avait rien de particulier. Parmi les milliers d'individus ordinaires qui passaient tous les jours devant seul un infime pourcentage la remarquait, et aucun ne percevait la malveillance prisonnière de ce bloc de pierre grossier, aucun ne comprenait que ces barreaux de fer écaillés étaient là pour les protéger de la Pierre bien plus que l'inverse. Mais le Broyeur à Glace n'avait rien de normal, pas plus qu'il n'était, même pour un esprit des plus imaginatifs, un « individu » : il était « autre ». Il avait traversé le Miroir Noir, venant d'une dimension totalement étrangère aux nôtres, et toutes ses réactions étaient branchées sur un registre de forces radicalement différent. Pour lui, la puissance noire contenue dans la Pierre flambait comme une balise par une nuit sans étoiles et c'était la raison pour laquelle il se précipitait droit dessus.

Mais il fut surpris de l'effet produit par son arrivée brutale : la température de la glace dans laquelle il s'était taillé une forme n'était pas aussi basse que ce froid d'un autre monde ; lorsque la Pierre entra en contact avec la violence de ce souffle glacial, elle se fissura. Et de cette fissure jaillit l'authentique force de cette puissance noire qui, jusque-là, était restée cachée. Si cette puissance avait été lumière, on aurait eu l'impression que quelqu'un avait nourri de magnésium cette balise embrasée, laissant échapper une lueur aveuglante d'un blanc si pur que, par comparaison, il assombrissait les flammes alentour. La puissance noire libérée par cette fissure n'était que ténèbres nuisibles, une obscurité de poix bien au-delà du noir.

Ce n'était pas une noirceur qui aurait été le résultat d'une simple absence d'espoir et de lumière, c'était la puissance noire qui aspirait goulûment lumière, espoir et vie pour mieux les effacer.

Le Broyeur à Glace recula, surpris par cette force qu'il avait involontairement délivrée. Il s'élança vers le ciel sombre et alla se percher le plus haut possible : la casemate noire au sommet de la Tour 42, un grand gratte-ciel triangulaire sur Old Broad Street. C'est au sommet de ce bunker en plein ciel que le Broyeur à Glace se posta pour surveiller la City en contrebas et se repérer, sans jamais oublier de garder dans un coin de sa conscience la présence de la puissance noire loin au-dessous de lui. Et la puissance, elle aussi, attendait, prête à prendre forme, sans impatience maintenant que les portes de cette si ancienne prison étaient ouvertes.

Leurs regards se croisèrent.

Ce qui passa de l'un à l'autre ne fut rien de plus cataclysmique qu'un hochement de tête et un battement de paupières, un signe de reconnaissance. Et quelque chose d'aussi délicat qu'un rire s'échappa doucement du Broyeur pour se joindre à la neige qui commençait à tomber en flocons épais sur la ville.

Un ordre, un seul, inaudible à toute oreille mais qui n'échappa à aucun serviteur de la Pierre, à aucune tare dans toute la ville, résonna alors dans la nuit : « VENEZ ! »

1.
AU BOUT DU ROULEAU

— Où sont donc passés les gens ? demanda Edie, formulant à voix haute la question que George se posait dans sa tête. Pourquoi tout est-il gelé ?

George s'efforçait d'ignorer la douleur insistante qui lui tenaillait le bras, là où la veine de pierre montait inexorablement vers son épaule ; il observait la circulation pétrifiée, enroulée autour du virage de la côte le long de Hyde Park Corner. Les voitures et les autobus n'avaient ni chauffeur ni passagers, et une motocyclette de la police – sans son motard – était figée à un angle de quarante-cinq degrés, coincée dans le virage derrière eux, comme si elle tenait debout grâce à des fils invisibles.

— Et pourquoi neige-t-il ? demanda George en regardant l'Artilleur.

Balayant d'un geste les flocons sur ses épaules, l'Artilleur se tourna vers l'Officier. Ce dernier s'éclaircit la gorge et leva les yeux pour observer la chute des flocons denses et épais issus directement de la lueur incandescente qui surplombait la ville.

— Eh bien... euh... Je dirais que... euh...

— Gack, articula le Tuyau en descendant d'un bond de l'obusier de pierre sur lequel il se tenait pour atterrir dans la neige qui s'entassait déjà à leurs pieds.

— Exactement, confirma l'Officier. Je n'en sais rien.

— Comment est-ce possible ? s'étonna George. Vous devez savoir !

À son tour, il contempla le ciel nocturne, puis pivota lentement sur lui-même à la recherche d'une vision rassurante : quelqu'un qui courrait pour rentrer chez lui, des gens qui se déplaceraient derrière les fenêtres allumées de l'hôtel sur le trottoir d'en face. Mais il n'y avait rien.

— On ne sait pas, déclara la Reine.

— Vraiment ? insista Edie, perturbée.

— Non, répondit l'Artilleur. Ça n'est encore jamais arrivé.

George s'immobilisa pour examiner les statues debout au milieu de la ville qui blanchissait. La neige s'entassait sur les casques métalliques des deux soldats de la Première Guerre mondiale, et les vêtements de la Reine Rouge et de ses deux filles lui parurent soudain bien légers pour la température hivernale qui s'abattait sur eux. Derrière, les chevaux attelés au char hennirent doucement et secouèrent leur crinière pour se débarrasser de la neige, tout en surveillant le Tuyau, cette gargouille ailée, d'un œil soupçonneux. Même sans neige, cela aurait été un bien étrange spectacle.

— Génial, soupira-t-il.

Ils étaient confrontés à un très gros problème.

Et, quel que soit ce problème, ils l'avaient emporté avec eux dans leur traversée des miroirs, quand ils avaient fui la Fête de l'Hiver.

Enfin, il n'était nullement en état de résoudre ne serait-ce que le début de ce problème. La veine minérale blanche qui s'enroulait en vrille autour de son bras non seulement dévorait le temps qu'il lui restait pour affronter l'inévitable catastrophe de son troisième et dernier duel, mais en profitait également pour aspirer goutte par goutte le peu d'énergie dont il disposait encore.

— Je suis crevé, dit-il.

— Crevé ? répéta la Reine, surprise. Qu'est-ce qui est crevé ?

— Au bout du rouleau, renchérit l'Artilleur.

— Épuisé, traduisit l'Officier. Ça veut dire qu'on n'a vraiment plus de ressort et qu'on ne va plus rebondir... Rien d'étonnant.

Edie les dévisagea l'un après l'autre, puis examina la boucle d'oreille de sa mère qu'elle tenait serrée dans sa main. Elle ressentait une douleur profonde, intime, une de ces douleurs qu'elle ne s'était jamais autorisée. La douleur de l'espoir contre tout espoir, un mélange troublant d'allégresse et de peur, une souffrance qui l'envahissait au point de lui couper le souffle. Elle était en train de se noyer dans les « peut-être », parce que la lumière que renvoyait cette boucle de verre lui criait que peut-être les choses n'étaient pas ce qu'elle avait cru, que peut-être on lui avait menti, que peut-être le grand trou creusé dans son cœur pourrait être de nouveau comblé par ce à quoi elle avait cru devoir renoncer et que peut-être, peut-être, ...
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